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La statuaire dans l'église Notre-Dame de Vétheuil (95510)

La statuaire dans l’église de Vétheuil

Par Maria Poumier

 

 

L’église de Vétheuil est remarquable par la richesse des œuvres sculptées qu’on y trouve. Bas-reliefs (le retable), hauts-reliefs (les deux statues de la Vierge à l’enfant, adossées aux porches ouest et sud, et la Pietá à droite, sur le pilier sud de la croisée des transepts). La collection d’une vingtaine de statues en ronde-bosse, placées sous de légers dais de pierre, en hauteur, adossées aux piliers de la nef dans des niches un peu trop basses pour les plus grandes, est le fruit du travail de l’abbé Lemaire, chanoine honoraire, curé de Vétheuil de 1913 à 1972. C’est lui qui pour les protéger, ramena de nombreuses statues des églises des environs, plus pauvres, qui auraient été incapables d’en assurer l’entretien ou la restauration. Pierre Champion, fondateur de l’association Notre-Dame de Vétheuil en 1953, prit sa suite et inscrivit à côté de chaque statue des dates approximatives de ces œuvres. Il signale, au sujet de l’abbé Lemaire que « par son total dévouement au sacerdoce, par son abnégation, par le souci constant qu’il a toujours eu de l’entretien et de la mise en valeur de son église, le chanoine Lemaire mérite de rester comme une figure exemplaire de Vétheuil » (op.cit., p. 60). On peut ajouter sans risque de se tromper qu’il trouvait une source de son énergie dans l’intensité spirituelle qui se dégage de la famille unique de statues de saints dont il a su peupler son église.


On peut distinguer deux tendances esthétiques :

·        l’inspiration gallo-romaine, chez les statues de haute stature, élégantes, respectant les canons grecs : harmonie et mesure, suggérant une exemplarité morale, une recherche d’élévation de l’esprit, et une idéalisation des corps comme des visages. Bien souvent, comme on le verra, ce sont des reprises de modèles antiques dont on a légèrement modifié les attributs pour en faire des illustrations de thèmes chrétiens (La Prudence, saint Maurice). Cette esthétique renaît à la Renaissance, mais on peut affirmer que certaines techniques n’avaient pas complètement disparu au Moyen-Age gothique, telle la technique du drapé à plis mouillés, en relief, avec des courbes relativement souples. Les visages tendent vers l’angélisme : douceur, indifférenciation, perfection des traits selon un canon qui ne distingue guère que trois catégories, l’enfant, la femme, le vieillard, sérénité inexpressive. Si Pierre Champion a généralement indiqué que ces statues sont du XVI° s, au moment où triomphe la Renaissance et l’engouement pour la statuaire antique, ces statues prolongent en fait l’art gothique du XIII° s., celui que nous admirons sur les frontons des cathédrales de Reims, Chartres ou Paris, et d’innombrables Vierges à l’enfant ou saints.

·        l’école locale, qui amplifie l’art du drapé à l’antique, jusqu’à suggérer de riches étoffes imprégnées de mouvement, préfigurant le goût baroque, et développe ses propres canons gaulois : silhouettes trapues, visages expressifs qui sont autant de portraits fortement individualisés, attributs attirant l’œil par leur singularité éventuellement exagérée (Saint Pierre, sainte Marguerite). La magnifique Notre-Dame de Grâce, qui a fait l’objet d’une exposition à Paris en 1981-82 a souvent été rattachée à l’école bourguignonne du XIII° s. par son expressionnisme véhément. L’église primitive de Vétheuil, datant du XI° siècle, était de style roman ; John James, professeur d’architecture à l’université de Sidney (Australie) et auteur d’une étude sur la cathédrale de Chartres a répertorié les chapiteaux du chœur, et les datait au plus tard de 1200 et l’un d’eux très précisément de 1184 (in Pierre Champion, op.cit. p.16). Notre-Dame-de-Grâce, sainte Véronique, datées toutes deux du XIV° s., ainsi que saint Sébastien, se rattachent au style roman, qui s’est en fait prolongé dans la sculpture bien après le triomphe du gothique en architecture. À propos de ces trois dernières statues, si vigoureuses et si originales, une remarque : l’église de St-Gervais, près de Magny-en-Vexin, comporte trois variantes, en façade, de ces trois personnages, avec leurs visages et leurs tournures si particulières : aucun doute qu’elle soient toutes les six du même maître sculpteur. On verra leur description plus précise ci-dessous. On pourrait répertorier d’autres dans les villages des alentours, si elles n’avaient pas en général été ravagées par les intempéries ou la négligence.

Le catalogue commenté (en cours de rédaction) a été conçu pour compléter les notices qu’on trouve sur wikipedia (le dossier sur l’église Notre-Dame de Vétheuil est remarquable, sur nominis (pour l’histoire et la légendes saints) et d’autres sites très riches. Il faut partir de la Légende dorée de Jaques de Voragine pour comprendre la popularité des saints antérieurs au XIII° siècle. Il faut souvent restituer un contexte politique pour ressusciter l’aura des saints représentés par des statues plus récentes. André Malraux conclut son Musée imaginaire en affirmant « on ne peut pas traduire » les émotions que ressentaient d’autres époques, qui avaient un sens du sacré et de la beauté très différentes des nôtres. Cela n’empêche pas d’enrichir notre propre sens du sacré et de la beauté par la contemplation de chefs d’œuvre qui, même disparates ou expressifs à des degrés variables, méritent qu’on aide à les comprendre, parce qu’ils ont joué un rôle unique pour redonner élan et courage à des générations de créateurs, d’artisans, de mécènes, de fidèles, d’admirateurs, de restaurateurs, un rôle qui ressurgit avec force aujourd’hui, quelle que soit la façon dont on les réinterprète. Il y a les créations qui font revivre des scènes fondatrices de la culture chrétienne : Piéta, Christ aux liens, Christ au Tombeau, Vierges à l’enfant, les allégories (l’Eucharistie, le Sacré Cœur de Jésus), les saints patrons, fortement individualisés, et enfin les anges.

 

Le culte des saints, par ordre chronologique

On peut regrouper les œuvres par la place qu’occupe chaque saint dans la chronologie :

Saints contemporains du Christ : Pierre, Paul, Jean-Baptiste, Jean l’Evangéliste, Marie Madeleine, Marie, Véronique, Anne, Maurice, Jacques

Saint Christophe de Lycie (mort en 250)


Saints des premiers siècles (martyrs) : Sébastien, Clément, Côme et Damien, Barbe, Marguerite, Antoine le Grand

Saints évêques évangélisateurs : Blaise (Arménie), Maclou (Bretagne), Vincent (Espagne), Antoine de Padoue (Italie)

Saints de l’histoire de France : Louis, Denis, Nicaise, Jeanne d’Arc, autre Jeanne

 

Saints de l’époque moderne : Thérèse de Lisieux